Tuesday, April 23, 2013

Bilan de la Conférence de Cochabamba-Entretien avec Martha Harnecker


AUTEUR:  Susana SALINAS
Traduit par  Gérard Jugant. Édité par Fausto Giudice
Dans cet entretien avec le périodique bolivien Cambio, Martha Harnecker, sociologue marxiste et enseignante universitaire chilienne, dresse un bilan de ce qu’a été la Conférence des Peuples pour le Changement Climatique et les Droits de la Terre Mère.
Quelle évaluation fais-tu de la 1èreConférence Mondiale des Peuples sur le Changement Climatique et les Droits de la Terre Mère?
Ce qui s’est passé à Cochabamba est extraordinaire , c’est incroyable combien de pays, combien de positions plurielles et de voir comment les gens ont répondu. C’est incroyable comment dans les commissions, en dépit des grandes discussions et contradictions, on a réussi à parvenir à des accords. Je suis stupéfaite, à la séance plénière ont été présentés d’excellents documents. Généralement il y a de sévères contradictions, dans les événements ont est très sévères, mais il n’en a pas été ainsi.
Tu as travaillé sur les propositions de référendum, quelles perspectives ont été tracées ?
J’étais concentrée sur la Commission du Référendum parce qu’il me paraît que c’est pour l’accumulation de forces, pour changer la situation écologique dans le pays. Il me paraît fondamental que nous créions une corrélation de forces dans nos peuples, qui fassent pression sur les gouvernements, parce nous pouvons avoir des déclarations très jolies, avoir de très jolis objectifs, mais si nous ne réussissons pas à engager nos peuples dans cette lutte nous ne parviendrons pas à atteindre les objectifs; donc, pour moi, la consultation populaire-parce que le référendum peut se faire dans des pays où nous avons des gouvernements qui peuvent nous aider dans ce processus- nous pouvons la faire dans tous les pays où nous atteignons un minimum d’organisation. Une consultation maison par maison, de telle manière que nous allons créer de la conscience dans chaque foyer de notre pays, ce serait l’idéal. Une consultation qui donne à faire à beaucoup de gens qui aujourd’hui ne veulent pas militer dans des partis; parce que souvent les partis sont discrédités; mais ce seront des gens qui veulent, qui ont de la volonté, qui veulent changer le monde, qui veulent vivre dans un autre monde.
Le leadership d’Evo a été déterminant pour le Sommet?
Je crois que l’idée d’Evo a été extraordinaire, je crois qu’Evo est le président qui touche le plus les cœurs dans le monde, c’est très beau d’avoir un Président indigène d’un de nos pays à la tête de ce mouvement. Ce à quoi nous devons faire très attention est que ce soit un mouvement très large, sans sectarismes; parce qu’il arrive souvent que des organisations s’approprient ces idées si belles, ne permettent pas que tout le monde y participe et il se crée un malaise, je crois que nous devons donner l’exemple que c’est quelque chose de fondamental dans la nouvelle politique de la gauche, que le plus important est que nous nous mettions d’accord et laissions de côté ce qui nous sépare. Aujourd’hui ce qui doit nous unir, c'est le thème de la défense de la nature et le thème de la paix, et ainsi nous toucherons beaucoup, beaucoup de portes.
Nous devons veiller à ce que les comités nationaux qui vont se créer-parce qu’il y aura un comité international et d’autres nationaux- soient larges et qu'ils ne soient pas appropriés par un groupe de gens contre un autre.
Tu crois que l’agenda qui s’est ouvert à Cochabamba a de la force pour ouvrir une position dans l’Organisation des Nations Unies?
Je crois que personne ne peut ignorer tous les gens qui se sont rassemblés ici, cela est un fait politique qui évidemment ira toucher toujours plus les organismes officiels, et nous devons travailler dans ce sens et espérons que dans le futur nous pourrons faire un référendum comme le veut le Président Evo, dans le monde entier; mais entretemps nous allons faire les consultations populaires (nationales), nous allons travailler la conscience des gens. Je crois que cela devra avoir des répercussions, cela aura des répercussions, et que l’important est d’y veiller, parce quelques fois nous, les secteurs progressistes, avons d’excellentes idées et nous les détruisons pour des bêtises; je crois que nous devons être suffisamment mûrs, flexibles et tenter toujours de chercher les formules pour mobiliser le maximum de gens et nous méfier de ceux qui vont toujours s’infiltrer pour vouloir nous détruire.

Quel agenda portons-nous à Cancún ? Il sera différent de celui de Copenhague ?
On a pensé faire le référendum ou une consultation populaire avant le Sommet de Cancún,mais, pour être objectifs, cela nous pourrions le faire dans les pays où il y a déjà une organisation, où il y a déjà l’expérience de référendum ou de consultation, comme par exemple le Brésil, où se sont faites déjà diverses consultations, sur l’ALCA [Zone de libre-échange des Amériques ] et autres, et dans d’autres pays rien n’a été fait. Pour organiser tout le processus comme nous le voulons il faut du du temps.
Parce que nous pouvons faire des choses superficielles, mais nous avons besoin d’un processus profond de transformation de la mentalité des gens, et pour cela il nous faut du temps; par conséquent, ce que nous avons à discuter, et je crois que la Commission internationale devra voir avec quoi nous allons aller au Sommet [de Cancún], comme nous avons avancé, je crois que ce n’est toujours pas clair; autrement dit, ce que nous allons faire avant le Sommet, on a pensé initialement à un référendum, mais en pensant avec plus de logique l’idée qui a primé a été que que non. Maintenant nous devons penser à ce que nous allons faire; oui, nous avons beaucoup à dire et je crois que les commissions elles-mêmes ont déjà élaboré un matériel important à présenter dans ces 10 ou 9 mois que nous avons devant nous [jusqu'au Sommet de Cancún]; par exemple, si nous présentons la création de 40 ou 50% des comités nationaux pour le référendum, c’est déjà un élément important.
En tout cas, ici à Cochabamba s'est établi un précédent : il y a des voix du peuple qui réclament la défense de la Terre Mère.
Bien sûr, je crois qu’il ne s’agit pas seulement d’un fait politique à Cochabamba, mais que les gens qui sont venus ici sont venus vont pouvoir travailler, avec une tout autre force, parce que nous avons pu nous compter, c’est ce qui s’est passé avec les forums sociaux et mondiaux, il n’y a pas de grands manifestes et déclarations; mais le fait d’être ensemble est important, la multitude radicalise plus que les déclarations. Parfois nous nous croyons radicaux et nous croyons que plus nous mettons de mots radicaux dans le discours, plus c'est valable; mais je dis que la radicalité est dans le fait de voir combien nous sommes à lutter pour un même objectif.
Que te reste-t-il à dire, après la clôture du 1er Sommet Climatique ?
Je répète seulement que j'ai été impressionnée, jamais je n’aurais cru qu’on puisse atteindre des résultats de cette manière, j’ai pensé à quelque chose de très désorganisé, très chaotique, et je crois que c’est quelque chose qui réellement a été obtenu, cela stupéfait, de voir comment nos pays vivent ces processus déjà mûrs, avec vitalité, il s’agit d’une maturité inimaginable. Par exemple les Boliviens, imaginaient-ils cette Bolivie ce que nous sommes en train de vivre?... L’Amérique latine, quand le président Hugo Chavez a triomphé en 1998, personne ne s’imaginait que nous vivrions ce que nous vivons aujourd’hui. Je considère que les processus-l’histoire nous l’enseigne- quand ils ont commencé à faire irruption, comme les processus révolutionnaires, les délais se raccourcissent et on réussit à transformer la mentalité des gens. Dans cette rencontre les dirigeants indigènes ont démontré leur maturité.
Il y a des risques dans cette prise de pouvoir des gens et leur vision de conquêtes ?
Bien sûr, cela je le signale pour que la Bolivie en tienne compte . Du dehors nous sentons que parfois vous croyez que le monde a évolué aussi vite que vous et que vous demandez aux gens des choses qu’on ne peut pas encore leur demander. Cela est le résultat d’années de lutte et dans certains pays il faut commencer la lutte; donc, il faut tenter de comprendre que le monde n’est pas égal aux processus les plus avancés d’Amérique latine, nous devons chercher à les aider; parfois, je sens que les secteurs populaires, à sentir qu’ils ont gagné des élections, commencent à se sentir très forts et au lieu d’utiliser cette force pour favoriser des mouvements deviennent arrogants et commencent à dire: “Nous sommes le pouvoir et vous devez vous soumettre à nous”, et je crois que cela c’est très mauvais, parce que nous pouvons commencer à perdre, parce que ce qui se gagne n’est pas définitif, cela se perd.
Je crois qu’en Bolivie les dernières élections ont donné des leçons intéressantes : beaucoup a été atteint, on a beaucoup avancé; mais pas ce qu'on attendait. Nous devons commencer à penser à pourquoi nous n’avançons pas. Je crois qu’ici il s’agit de gens qui ne sont pas dans le MAS qui ont cette sensation, qu'y a beaucoup d'arrogance, et il faut faire attention à çà, parce que nos organisations politiques devraient être des facilitateurs de la participation, des mobilisateurs, des pédagogues populaires; mais jamais avoir ces défauts du passé, quand nous étions autoritaires, que nous nous croyions détenteurs de la vérité. Je crois que cela nous devrions le dépasser.
C'est la nouvelle culture de la gauche dont nous avons besoin pour construire une société, une transition pacifique avec une vaste alliance de gens.

Article original publié le 25/4/2010Sur l’auteur
Gérard Jugant et Fausto Giudice sont membres de Tlaxcala, le réseau international de traducteurs pour la diversité linguistique. Cette traduction est libre de reproduction, à condition d'en respecter l’intégrité et d’en mentionner l’auteur, le traducteur, l'éditeur et la source.

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